Des événements et expériences aux thèmes approchants.
Une parole prise à plusieurs, pour dire la vie dans sa multiplicité.
« Les événements de 89 en Tchécoslovaquie ont changé beaucoup de choses pour moi. Jusque-là, j’étais juste une étrangère vivant en France, sans pays d’origine.
Quand je suis retournée dans mon pays, en décembre 89, alors que je l’avais quitté en 68, j’ai découvert que j’avais quand même une identité nationale. J’ai entendu chanter des chansons de mon enfance, j’ai mangé des plats que je mangeais seulement chez ma mère. Ça m’a bouleversée, évidemment, de reconnaître qu’une identité passe par la langue, la musique, la cuisine.
Mais je continue à croire que c’est une erreur de rester trop attaché à son identité d’origine. Car parvenir à en sortir, à s’intégrer ailleurs, donne une telle ouverture ! Une sensation de liberté et de début absolu : tout est à construire, on commence à travailler sur un terrain vierge. La période d’intégration est très marquante et très belle. On réalise peu à peu qu’on a énormément de force, on reçoit sa nouvelle vie comme un cadeau, on peut même la voir comme un exploit personnel. J’aime bien les situations extrêmes où l’on se met à l’épreuve pour voir jusqu’où l’on peut aller.
Si je vis dans un nouveau pays, je veux tout vivre, le beau comme le mauvais temps. Ça ne sert à rien d’apprendre seulement les belles choses. Ce qui est trop parfait perd son humanité. Les fractures, elles viennent de partout, et la beauté aussi. »
« Je suis arrivée en France pendant le régime totalitaire de Ceausescu et, pour pouvoir rester, j’ai demandé l’asile politique. La Roumanie, c’était fini pour moi ! Je me suis faite à l’idée de parler et me comporter comme les Français. J’ai commencé à rejeter ma propre langue, à parler comme les gens d’ici sans bien réaliser ce que je disais. Pourvu que mes mots aient le même accent, la même intonation, pourvu que je rigole des mêmes choses que les Français, ça suffisait à me contenter. Je ne voulais pas être exotique. La différence entre la Roumanie et la France, culturellement parlant, n’est pas très grande. Je ne me suis jamais sentie rejetée mais je faisais en sorte que les gens ne me montrent pas du doigt comme quelqu’un de différent.
Quand la révolution est arrivée, que les portes de la Roumanie se sont ouvertes, j’ai commencé à me poser beaucoup de questions. J’ai pris conscience que je rejetais ma culture en bloc pour ne pas souffrir. J’ai compris que je serais intégrée à partir du moment où je reconnaîtrais mes origines et m’affirmerais en tant que quelqu’un venant d’ailleurs.
De là, j’ai fait tout un travail intérieur. Chaque jour, je lisais une page à haute voix en roumain. Je rattachais un mot à un souvenir de ma vie en Roumanie et à une partie de moi ici. Je faisais le lien entre les deux pour savoir où je me positionnais, à quel degré j’étais enracinée ici ou là. Comme beaucoup d’étrangers, je me disais : Moi, je n’aurai jamais d’attaches, ma famille est loin, je vis ici, mais je pourrais être ailleurs. En fait, je me trompais. »
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