Au cœur de la révolution culturelle chinoise

23 octobre 2022

Des événements et expériences aux thèmes approchants.
Une parole prise à plusieurs, pour dire la vie dans sa multiplicité.

Retour aux champs

« En 1966, vers la fin de ma 4e année de primaire, la révolution culturelle a commencé. Les écoles ont été fermées. Je jouais avec les enfants dans la rue et essayais de récupérer des livres avant qu’ils ne soient brûlés.
L’année suivante, il a été décrété que les élèves retourneraient à l’école tout en continuant la révolution (复课闹革命). Aucun programme, à part la lecture incessante du Petit Livre rouge, seul livre autorisé.
En 1968, bien que nous n’ayons pas appris grand-chose pendant les deux années précédentes, nous sommes tous entrés au collège. Les cours étaient très souvent suspendus et remplacés par des activités politiques. Nous passions beaucoup de temps à mémoriser le livre de Mao et à écrire des textes sur des affiches. Une manière comme une autre de s’entraîner à la calligraphie chinoise !
Dans le cadre du mouvement « Aller à la montagne et à la campagne » (上山下乡运动), le travail dans les champs faisait partie intégrante du programme d’éducation. Pendant les trois années de collège, au moment des moissons, mes camarades et moi sommes allés faucher le blé, nous levant à quatre heures du matin. Plusieurs fois, pendant la nuit, nous avons marché une trentaine de kilomètres en poussant un chariot rempli des boues du fleuve servant d’engrais. Je me rappelle que, morte de fatigue, j’ai plusieurs fois failli tomber dans le fossé. Nous avons aussi suivi pendant deux semaines un entraînement de style commando, comme l’auraient fait de vrais soldats, portant sur le dos une couverture pliée, des vêtements de rechange, du matériel de cuisine, du riz et de la farine de céréales. »

11Récits croisés-blog
11Récits croisés - Révolution chinoise - Usine

Tous à l’usine !

« En juin 1970, un comité constitué de profs et de cadres du parti a distribué les places pour les collégiens, soit en usine, soit dans les campagnes. Nous n’avions plus la possibilité d’entrer au lycée. On m’a doté d’un poste dans une usine de deux cents ouvriers, dont soixante-dix étaient, comme moi, des gamins de quinze ans. Elle était située au sein d’une université, répondant en cela au vœu de Mao de plonger les profs d’université, inutiles d’après lui, dans le monde ouvrier qui les initierait à la fabrication de biens de première nécessité.
Des militaires siégeaient dans les lieux car il leur revenait de prendre certaines décisions, comme la répartition du travail. Je me suis retrouvé au poste de forgeron, on a désigné un maître pour m’apprendre les rudiments du métier. Travailler à la forge, c’était un peu évoluer dans un livre de Zola. Il faut imaginer la dureté du travail, dans un lieu saturé de la chaleur du feu sans cesse attisé par un grand soufflet. Nous devions donner certaines formes à des pièces mécaniques, en les faisant chauffer et en tapant dessus. Je mesurais alors 1,55 m et pesais 45 kg, je n’étais pas un hercule !
Il me faut remercier ma mère. « Quoi qu’il t’arrive, deviens quelqu’un d’utile pour la société ; même sans avenir, tu dois t’instruire pour être utile » m’avait-elle dit. J’aurais pu baisser les bras devant la difficulté du travail, me laisser écraser par le système, comme tant d’autres, mais je me suis dit que j’allais faire de mon mieux pour être utile, m’en sortir, et je me suis soumis chaque matin à un entraînement intensif. »

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